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Carnet au fil du temps ...

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Carnet est une ancienne commune du département de la Manche.

Étymologie

Le moins que l’on puisse dire est qu’on ne lit pas à livre ouvert dans ce Carnet :

  • Pour Auguste Longnon [24], il s’agit d’un dérivé gallo-romain en -etum (suffixe collectif) du latin carpinus « charme », soit « le lieu planté de charmes ». Cette solution est reprise par Albert Dauzat [25].
  • Adigard des Gautries et Lechanteur [2] rejettent cette explication, en raison de la situation géographique de la commune, 40 km au sud des dernières traces du traitement normano-picard dans la Manche (mais en fait seulement à une trentaine de kilomètres de la ligne Joret). La forme attendue à cette latitude serait °Charnet. Mais ils ne proposent par contre rien de constructif.
  • François de Beaurepaire [1] rapproche ce nom de celui de Quesnay-Guesnon (Calvados; Quernet villa 1074), sans en tirer de conclusions définitives. Il fait l’hypothèse d’un nom gaulois non identifié, mais peut-être terminé par le suffixe -ate.
  • Ce nom est laissé à l’écart par Ernest Nègre [26], ce qui signifie qu’il le considère comme indéchiffrable, ou du moins trop problématique. De même, René Lepelley [27] se limite à un laconique « sens obscur ».
Discussion

Une remarque doit être faite concernant l’objection d’Adigard des Gautries et Lechanteur. Certes, Carnet se trouve à une trentaine de kilomètres au sud de la ligne Joret. La belle affaire ! aurait-on dit en des temps plus anciens. Les dialectologues savent bien :

– que les isoglosses en général, et la ligne Joret en particulier, ne sont pas des obstacles infranchissables, mais des limites statistiques au-delà desquelles le phénomène linguistique considéré a simplement moins de chance de se manifester,
– et que ces mêmes isoglosses ne matérialisent une situation linguistique qu’à une époque donnée : les informations fournies par la toponymie, qui a le don de fossiliser sur le terrain les états linguistiques antérieurs, viennent en partie contredire, ou du moins nuancer, cet état de fait [28].

Si l’on cesse un instant d’isoler la Manche de ce point de vue, on constatera que l’on relève par exemple un nombre considérable d’attestations de traitements normano-picards dans l’Orne, qui n’est que frôlée au nord par la ligne Joret.

D’une part, il en existe une assez large zone qui suit la frontière nord du département, et dont la limite sud est représentée par Beauchêne, encore attesté sous la forme Beauquesne à la fin du 15e siècle. Beauchêne est contigu à Ger, quinze kilomètres au sud de la ligne. Cette zone est en gros parallèle à la ligne Joret, et atteste d’un recul de l’isoglosse de 30 à 50 km par rapport à une situation plus ancienne.

D’autre part, on relève l’existence d’un certain nombre de « buttes-témoins » plus isolées, dont la localisation pourra surprendre : non seulement en plein centre du département, dans une aire compacte allant de Chauffour (Calfur pendant tout le 11e siècle) à La Chapelle-près-Sées (la Capelle ou Capelle du 14e au 15e siècle), qui est à la hauteur de Saint-Hilaire-du-Harcouët; mais encore à La Chapelle-Souëf (Capelle Souef 1167), plus ou moins à la hauteur de Mayenne !!

Ceci veut dire deux choses : a) un ancien traitement normano-picard est parfaitement possible à la latitude de Carnet; b) mais il ne constitue pas la seule explication à envisager.

Cette vision des choses rend tout-à-fait envisageable l’explication primitive de Longnon, puis Dauzat : °CARPINETU « le lieu planté de charmes » [29] > Carnet. On note par ailleurs une tentative de francisation (du moins graphique) en Chernetum en 1168. Si ce toponyme n’a pas été définivement francisé par la suite en °Charnet, c’est peut-être parce que le mot carnet (qui est évidemment sans rapport) existe au moins depuis le moyen français, et que °charnet n’appartient pas au lexique standard : la forme connue l’a emporté sur la forme opaque. En revanche, les deux toponymes ornais méridionaux en Capelle ont été « rectifiés » en Chapelle pour la raison inverse.

L’hypothèse de François de Beaurepaire consistant à voir éventuellement dans Carnet un toponyme gaulois en -ate est uniquement motivée par le fait qu’il se refuse (implicitement) à considérer la possibilité de la solution précédente, et d’une manière générale, un étymon en ca-. Comme aucun mot latin ne lui semble convenir, il fait donc l’hypothèse d’une formation gauloise indéterminée. Or phonétiquement, la seule autre possibilité d’obtenir une initiale en [k-] est de postuler un étymon en qu-, qui aboutit régulièrement à [k-] en français dans tous les cas. Malheureusement, le gaulois ne connaît pas ce son (l’indo-européen °kʷ est devenu p en gaulois), ce qui fragilise d’autant cette théorie. Pourtant, dans cette hypothèse, on pourrait peut-être considérer le radical pré-latin (et peut-être pré-celtique) carn- « pierre, tas de pierres », qui pourrait faire d’un éventuel °carnate un « lieu où il y a des pierres ». Un tel type toponymique a été invoqué pour expliquer Charnas (Ardèche) et Carnas (Gard) [30]; mais ces formations semblent surtout méridionales.

Dans les deux cas, on constate une fermeture précoce de [a] en [e], attribuable à l’action fermante de [r] en syllabe initiale au Moyen Âge. La forme actuelle Carnet, attestée pour la première fois au début du 15e siècle, doit représenter une francisation partielle [31] de Kernet / Quernet, d’après l’équivalence héreng = français harenglerme = français larmequérette = français charette, etc.

En conclusion, l’hypothèse gallo-romane °CARPINETU « lieu planté de charmes » semble la plus simple et la plus probable, malgré la situation méridionale de la localité. Elle est confortée par la situation particulière de la paroisse de Carnet au Moyen Âge, à la limite des diocèses d’Avranches et de Rennes, et donc de la Bretagne et de la Normandie. Or on sait que les toponymes de végétation sont de fréquents marqueurs de limite. On ne peut cependant pas exclure formellement une autre explication telle qu’une formation gauloise °carnate « lieu où il y a des pierres ».

Carnet en images : hier et aujourd ' hui

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